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Cet article a été rédigé conjointement par Me Yasmina BELKORCHIA, Avocate associée de notre cabinet d’avocats partenaire R&K Avocats, et par Cécile Vigne, Responsable veille et contentieux au sein d’EPSA Tax, afin de permettre aux entreprises d’aborder un futur contrôle URSSAF en toute sérénité. 


La volonté gouvernementale de renforcer la lutte contre la fraude sociale se traduit par une hausse des recrutements au sein des URSSAF afin d’accroître le nombre de contrôles. Dans le cadre de nos accompagnements, nous observons quotidiennement des contrôles plus poussés.

Assez logiquement, ces contrôles sont sévères sur les aides liées à la crise sanitaire (exonérations covid, chômage partiel) mais également sur les thématiques traditionnellement contrôlées (exonérations liées aux régimes de prévoyance complémentaires, réduction générale des cotisations patronales, versement mobilité…).

En parallèle, la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) pour 2023, complétée par un décret du 12 avril 2023 est venue renforcer les prérogatives des inspecteurs du recouvrement.

Les Responsables Paie et ou comptables en contact direct avec les inspecteurs URSSAF expriment de plus en plus de difficultés devant la variété et la quantité d’éléments demandés dans le cadre du contrôle.

Les entreprises tâtonnent également souvent lorsque le contrôle est terminé et qu’elles souhaitent effectuer une contestation. En effet, la procédure est relativement complexe, la jurisprudence abondante et les délais de traitement administratifs aléatoires et imprédictibles.

Pour aller plus loin, les équipes EPSA Tax, en coordination avec le cabinet R&K, sauront bien évidemment vous apporter un accompagnement et un conseil adapté.

 


Les nouvelles prérogatives des agents dans le cadre d’un contrôle URSSAF

Certaines des dispositions du décret du 12 avril 2023 sont venues renforcer les prérogatives des agents dans le cadre d’un contrôle URSSAF.

  1. La possibilité d’utiliser les documents à l’échelle d’un groupe

Prévue dans la LFSS et précisée dans le décret du 12 avril 2023, cette disposition permet à l’URSSAF d’utiliser des documents obtenus pendant le contrôle d’une autre entreprise du même groupe.

Afin que la société ait connaissance de l’origine des documents, la Lettre d’Observations (LO) devra préciser :

  • la nature de ces documents ou informations ;
  • leur contenu ou les éléments d’information sur lesquels l’inspecteur s’appuie pour fonder son redressement ;
  • la référence au contrôlé ainsi que l’identité de la ou des personnes du même groupe d’où proviennent ces documents ou informations ;
  • la possibilité pour la personne contrôlée de demander une copie de ces documents.

Le décret vient préciser que si la demande de copies a lieu pendant le délai de la période contradictoire (30 ou 60 jours après envoi de la LO) alors cette période ne prend fin qu’à la date d’envoi de la copie sauf si la date est antérieure à celle de la réponse de l’agent de contrôle.

On ne peut qu’espérer que les agents fassent preuve de diligence dans la transmission des éléments afin de laisser aux cotisants le temps de prendre connaissance des documents et de structurer leur réponse.

  1. Procédure de contrôle des données dématérialisées

Après une tentative d’introduction dans la Charte du Cotisant (censurée par le Conseil d’Etat), le décret d’avril 2023 vient faciliter le travail des agents de l’URSSAF dans la récupération des données dématérialisées.

Lorsque les documents et données demandés par l’agent sont disponibles sous forme dématérialisée, l’agent peut réaliser des traitements automatisés sur son propre matériel.

L’entreprise doit mettre à la disposition de l’agent les copies numériques des documents, des données et des traitements demandés sous formes de fichiers qui devront répondre aux formats informatiques indiqués par l’agent.

La société peut toutefois s’y opposer par écrit dans les 15 jours à compter de demande ou d’impossibilité technique avérée. Dans ce cas, elle devra :

  • soit réaliser elle-même les traitements sur son propre matériel et produire les résultats au format et dans les délais indiqués par l’agent chargé du contrôle ;
  • soit autoriser l’agent chargé du contrôle à procéder lui-même ou par l’intermédiaire d’un utilisateur qu’elle aura habilité, sur le matériel de la personne contrôlée, aux opérations de contrôle, par la mise en place de traitements automatisés.

Il sera intéressant de voir dans les faits comment cette procédure sera mise en œuvre par les agents de l’URSSAF car la rédaction du décret semble très générique et décorrélée des réalités pratiques et des problématiques tant des entreprises contrôlées que des inspecteurs.

A voir si ces nouvelles dispositions viendront « corser » les futurs contrôles ou au contraire fluidifier les échanges entre les cotisants et les agents de l’URSSAF. Il faudra également rester attentif à la façon dont les magistrats en jugeront l’application lors des premières contestations.

 


Contestation d’une mise en demeure suite à un contrôle URSSAF : précautions à prendre dans la rédaction de la demande de saisine de la Commission de Recours Amiable

 

Si à l’issue du contrôle, la société est débitrice, elle doit attendre la réception de la ou des mises en demeures pour éventuellement envisager une contestation dans les deux mois suivant sa réception. Dans ce cadre, la saisine de la Commission de Recours Amiable (CRA) est un préalable obligatoire contestation judiciaire. En ne saisissant pas cette Commission ou en ne respectant pas le délai, le cotisant verra sa demande déclarée irrecevable.

Attention cependant, la saisine de la CRA vient délimiter le périmètre du contentieux pour tout le reste de la procédure. Ainsi, tout moyen qui n’aurait pas été contesté devant la CRA ne pourra pas être soulevé devant le Tribunal Judiciaire. La Cour de cassation est venue affiner sa position dans une décision récente du 1er juin 2023 (Cass. civ., 2e ch.n°21-21329) concernant la délimitation de ce contentieux. Elle a considéré qu’une contestation fondée sur l’entièreté d’un redressement, et cela même en l’absence de motivation sur certains chefs du redressement, permettait au cotisant d’invoquer de nouveaux moyens sur des chefs du redressement autres que ceux développés initialement dans la saisine de la CRA.

Ainsi, il est essentiel pour le cotisant de contester tous les chefs de redressement et cela même s’il ne développe pas d’argument de contestation pour chacun d’entre eux. Cela lui laissera la possibilité de contester plus précisément certain point en contentieux ou d’en obtenir l’annulation en présence de vice de forme ou de procédure.

 


Insuffisance de la mention « régime général » sur la mise en demeure : la Cour d’appel de NANCY tacle l’URSSAF sur un terrain qu’elle croyait bien acquis !

 

CA Nancy, 02 mai 2023, n°22/000111

La Cour d’Appel de Nancy est venue sanctionner l’URSSAF qui n’avait pas permis au cotisant d’avoir précisément connaissance de la nature, la cause et l’étendue de son obligation.

Pour rappel, l’article R.244-1 du code de la sécurité sociale dispose que

« L’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ».

Il est constant que la mise en demeure peut procéder par référence à la lettre d’observations (Cass. Soc., 7 octobre 1999, n°97-19.133, Cass. Civ. 2ème, 20 décembre 2007, n°06-20.683) et, si la mention « régime général » au titre de la nature des cotisations peut suffire lorsque le recouvrement porte sur des cotisations dues au titre du régime général, la situation diffère si le recouvrement porte également sur d’autres cotisations, comme le versement transport par exemple.

C’est ce qu’est venue réaffirmer la Cour d’Appel de Nancy dans son arrêt du 2 mai 2023.

En l’espèce, la mise en demeure adressée à la Société indiquait, au titre de la nature des cotisations : « régime général », et ce alors même que l’inspecteur avait notifié, dans la lettre d’observations, un redressement au titre de la CSG/CRDS, de la CDS et du versement transport, de sorte que les montants mentionnés ne portaient pas exclusivement sur des cotisations du régime général.

Avec un mérite qu’on ne peut que lui reconnaitre, la Cour d’Appel a donc jugé que la mise en demeure n’était pas conforme à l’article R.244-1 du code de la sécurité sociale en ce qu’elle n’informait pas suffisamment le cotisant sur la nature des sommes réclamées et a donc annulé l’entier redressement.

La souplesse dans la motivation de la mise en demeure qui est très souvent tolérée par les juridictions à la faveur de l’URSSAF n’est donc pas sans limite : lorsque la mise en demeure contient des informations fausses ou insuffisantes – comme en l’espèce – cette mise en demeure et le redressement subséquent est annulé et on ne peut que s’en réjouir !

Les équipes d’EPSA Tax et d’R&K Avocats sont à votre disposition afin de vous aider à détecter vos éventuelles zones de risques et vous mettre en conformité avant un contrôle URSSAF ou à vous assister pendant le contrôle.


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